Singapour et la Malaisie / photo by Emmanuel Gaille10 / 07 / 2010 Kuala Lumpur C'est comme une ville qui aurait grandi un peu vite, trop rapidement passée du village des chercheurs d'étain Chinois, à une mégapole incontrôlable, faite de strates étrangement cloisonnées. Une ville folle où les rampes d'autoroutes enjamberaient d'anciennes gares ferroviaires de style arabo-victorien, où oléoducs et autres conduites forcées voyageraient à l'air libre au dessus de large canaux. où des avenues périphériques tracées à la hâte avec un quand râteau, délimiteraient des murailles d'immeubles de bureaux et d'hôtels de luxe, tel un rempart à la vue, une ceinture masquant au voyageur de passage le désordre bruyant, un abîme dans lequel la ville sombrerait inexorablement après avoir tant enflé. On pourrait l'approcher sans parvenir à la pénétrer, tourner autour indéfiniment à bord d'une automobile vitres fermées. On observerait les sommets des gratte-ciels se déplacer par rapport aux points fixes des tours culminantes. On pourrait voir, la nuit venue, le ciel devenir rouge puis orange, et demeurer ainsi, las, à contempler ces strates verticales, imaginer le pas lent des piétons écrasés de chaleur, le murmure des restaurants, de la viande qui frit dans de grands woks, la fumée qui monte vers les coursives supérieures pour venir lécher les rampes du métro aérien. Rêver au jour où cette amas enchevêtré se réconcilierait avec la Jungle, d'une fin des temps où la ville se livrerait, et où quelque animal sauvage en reprendrait possession.
| | | | | | | | | | | | | | |
| 06 / 07 / 2010 Kuala Terrenganu De bus local en bus local j'ai atteint Kuala Terrenganu. Cela avait été une large bande déserte, presque rien, depuis Cherating, puis, peu à peu, le vieux car avait pénétré les faubourgs d'une ville plus grande, mieux organisée. D'abord des rangées d'habitations en tek sur pilotis, puis des constructions assez semblables à celles que j'avais vues maintes et maintes fois plus au nord, au Cambodge et au Vietnam. Des constructions toutes identiques, rangées au bord de la route, sortes de maisons-garages, ou maisons-devantures, lieux à tout faire du petit peuple. Le car n'avait plus de porte, le vent chaud s'engouffrait à l'intérieur. Un vent de Sable, d'odeurs de cuisine, d'huile et d'essence mélangées. Le chauffeur commençait à s'arrêter fréquemment pour faire monter ou descendre des gens, signe qu'on s'approchait du terminal des bus locaux. Des hommes en chemises, des femmes couvertes de voiles blancs ou noirs, le visage apprêté et lumineux. On voudrait penser qu'elles s'effacent, pourtant on ne voit qu'elles. Elles sont secrètes, fières, prévenantes, souriantes voire facétieuses. Elles sont droites et douces sous leurs robes colorées. Kuala Terrenganu semble bien conservatrice lorsqu'on vient de Singapour. Mais à peine sorti du bus on ne veut plus la quitter. D'immenses arbres au feuillage serré forment une ombre au dessus du terminal. Trente mètres peut-être séparent chaque tronc. Un gamin d'une quinzaine d'années m'indique le chemin d'un hôtel. Sur le chemin, non loin du marché central, le ballet des voitures s'intensifie. J'écoute le bourdonnement sourd de ces vieux modèles Japonais on Coréens que les malais se plaisent à réparer, personnaliser et arranger avec les derniers accessoires à la mode. Le marché est depuis peu surplombé d'un centre commercial gigantesque à la chinoise. grosse bâtisse en béton encore à moitié vide, que les habitants semblent considérer avec un certain dédain. Le temps peut avoir échoué les bateaux de pêche, amarré les navettes à leurs quais. Les parkings peuvent avoir remplacé les demeures coloniales... Et quand bien même les manèges ne tournent plus à Kuala Terenganu, subsiste cette douce langueur, loin des mégapoles de l'ouest.
| | | | | | | | | | | | | | | | | |
| 3 / 07 / 2010 de Singapour à Cherating En quittant Singapour, on quitte les avenues bien arrangées, cette architecture verticale, les autoroutes à huit voies bordées de palmiers. Un avant-goût d'émirats dans l'esthétique... Au fur et à mesure que l'on remonte au nord, la côte est de la Malaisie se dépeuple. la forêt vierge alterne avec des zones clairsemées, parsemées de petites maisons en bois, de ruines d'hôtels à l'abandon, de mosquées, de coteaux bordés de plages de sable blanc, au ciel menaçant. Le délaissement et l'oubli ont transformé des villages florissants en lieux désuets, jadis à la mode, maintenant occupés par quelques baba-cools, et les autochtones pour qui vraisemblablement rien n'a changé.
| | | | | | | | | | | | | |
| 01 / 07 / 2010 Singapour L'avion a accéléré le temps. La nuit est tombée avant le décollage, mais elle n'a duré qu'un instant, le temps que l'avion mette le cap à l'est, atteigne les Balkans, il faisait déjà jour, d'un blanc stratosphérique et sans brouillard... la nuit du 24 s'était volatilisée, la journée du 25 n'avait guère duré plus longtemps. Il était déjà dix huit heures quand l'avion toucha violemment le tarmac. En passant les portes automatiques de l'aéroport, la chaleur me revint en mémoire. Cette atmosphère lourde ne vous lâche jamais, elle vous laisse peu de répit. Les singapouriens s'en accommodent, tout au plus, mais ils ne s'y font jamais totalement. Alors ils trouvent des parades. Ils roulent en voiture climatisée, se donnent rendez-vous dans les halls des shopping malls, sortent le soir contempler les gratte-ciels, et autres allégories architecturales en forme d'arches de Noé. J'étais depuis peu réveillé, par le bruit sourd d'un climatiseur, le bruit continu d'une goutte d'eau qui claque contre une carlingue en acier. Bruit déformé de la rue relayé par les couloirs d'aération à ciel ouvert, les arrière-cours des cuisines de restaurants, les télévisions allumées retransmettant un match de football, ou un mélo à la thaïlandaise, le chuintement des voitures. Voici Singapour, où se côtoient malais, chinois, thaïlandais et indiens, grand temple de la consommation, prison dorée aux hôtels de luxe, de style colonial, art-déco et néo-péruvien, bordés de larges avenues plantées, à la végétation contenue, quelques palmiers bien alignés... Non loin cette masse verte, qui laissée libre, revient à l'état de jungle, saisit, enserre, étouffe toute construction qui demeurerait à l'abandon. A Singapour se côtoient le nouveau et l'ancien. Affiches tout droit sorties des années cinquante, vieux films d'arts-martiaux sous-titrés. Mais on détruit régulièrement le moderne pour faire place au nouveau. On conserve l'ancien avec parcimonie. Les centres commerciaux, sont des endroits à la fois pleins et vides, où l'on s'ennuie et s'occupe comme on peut.
| | | | | | | | | | | | | | | | | | |
| home/diary/945-singapor-@-malaisia-2010 |